L’Infraction de corruption :
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PREMIERE PARTIE: COMPARAISON RELATIVE À L'INCRIMINATION |
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En France, les coupables du délit de corruption passive étaient désignés par l’article 177 ACPF qui donnait une énumération que les réformes successives du texte avaient progressivement enrichi. Initialement cet article visait seulement la corruption des fonctionnaires de l’ordre administratif ou judiciaire agents et préposés des administrations publiques, c’est ce qui a poussé les tribunaux à recourir à des définitions souples et extensives qui ont entraîné les critiques d’une doctrine attachée à la lettre du texte pénal. Les tribunaux répressifs français ont ainsi englobé dans la catégorie de fonctionnaires, les agents et préposés des administrations publiques ainsi que tous les membres de l’administration, quelle que soit leur place dans la hiérarchie, dés lors qu’ils exerçaient, sous l’impulsion et la surveillance de leurs supérieurs, des attributions de l’ordre administratif ou judiciaire. On a donc pu appliquer les articles 177 et suivant à tous les représentants de la hiérarchie administrative, depuis le ministre jusqu’aux titulaires des postes les moins élevésNote A. VITU, Les préoccupations actuelles de la politique criminelle française dans la répression de la corruption, in Les principaux aspects de la politique criminelle moderne : Recueil d'études à la mémoire de H. Donnedieu de Vabres, 1960, p. 134 s. . Les efforts de la jurisprudence ont été renforcés par le législateur qui a procédé à l’extension de la liste des personnes susceptibles d’être corrompues par étapes successives. Le premier texte qui est venu compléter l’incrimination à l’égard des fonctionnaires est celui de la loi du 13 mai 1863. Il a ajouté aux administrateurs et juges, les arbitres et les experts. En effet, l’arbitre est un véritable juge. L’expert, quant à lui, prépare la décision judiciaire par l’opinion qu’il exprime dans ses rapports. Le recours considérable à l’arbitrage et le développement de l’expertise rendaient nécessaires ces dispositions nouvelles. Ensuite, l’extension a été faite aux médecins par la loi du 9 mars 1928 puis aux chirurgiens, sages-femmes par l’ordonnance du 8 février 1945. Ceci s’explique par le rôle croissant des professions médicales en matière socialeNote ibid. Enfin, et surtout la loi du 16 mars 1943 qui a ajouté les agents et préposés des administrations placées sous le contrôle de la puissance publique et les citoyens chargés d’un ministère de service public. Et la loi du 8 février 1945 qui a ajouté les personnes investies d’un mandat électif. Ainsi, on distingue à la lumière de ses solutions jurisprudentielles et législatives trois hypothèses sous l’empire de l’ancien Code pénal français.
On peut se demander si le Nouveau Code pénal a maintenu cette distinction ? Le nouveau Code pénal a limité le domaine d'application de l'article 432-11 aux seules personnes exerçant une fonction publiqueNote Vitu J-Cl Pénal, Art 432-11 n°55; plus précisément le texte ne concerne que les personnes dépositaires de l'autorité publique, les personnes chargées d'une mission de service public, et celles enfin qui sont investies d'un mandat électif public. On entend par« dépositaire de l'autorité publique »la personne qui est titulaire d'un pouvoir de décision et de contrainte sur les individus et les choses, pouvoir qu'elle manifeste dans l'exercice des fonctions, permanentes ou temporairesNote Ibid , dont elle est investie par délégation de la puissance publique. À cet égard, il faut préciser que les personnes « investies d'un mandat électif public », ajoutées sans doute pour plus de précision à l'article 432-11, ne sont autres que les dépositaires de l'autorité publique. Quant à la personne chargée d'une mission de service public, elle peut être définie comme la personne qui, sans avoir reçu un pouvoir de décision ou de commandement dérivant de l'exercice de l'autorité publique, est chargée d'accomplir des actes ou d'exercer une fonction dont la finalité est de satisfaire à un intérêt général. Le code pénal Tunisien tel que rédigé en 1913, à l’instar du droit pénal français, consacre une définition extensive du fonctionnaire public dans la section première du troisième chapitre du livre premier. Cette définition reflète la tendance du législateur à englober le plus grand nombre de personnes concernées. D’un autre coté, le législateur avait prévu une définition distincte de celle prévue par le droit administratif, qui insiste sur le lien juridique entre le fonctionnaire public et l’Etat, puisque cette qualité peut demeurer existante sur le plan pénal en dépit des vices mettant en cause son existence sur le plan administratifNote Mahmoud Nejib Hosni « manuel de droit des peines » partie spéciale ; infractions contre l’intérêt public p 17 . La définition de fonctionnaire public figurait dans l’ancien article 82 du CPT prévoyait que « Sont réputés fonctionnaires publics au regard du présent code, tous nos sujets, qui, sous une dénomination et dans une mesure quelconque, sont investis d'un mandat même temporaire, rémunéré ou gratuit, dont l'exécution se lie à un intérêt d'ordre public et qui, à ce titre, concourent au service de l'État, des administrations publiques, des communes ou même des établissements publics. Sont assimilées aux fonctionnaires publics, les personnes choisies par les particuliers ou délégués par la justice en qualité d'experts, d'arbitres ou d'interprètes »Note Voir annexe tableau de comparaison des dispositions relatives à la corruption suite à la réforme du 23 Mai 1998 . Selon la doctrine, cette définition qui date de 1913 n’est plus compatible avec les exigences de la vie moderne et ce sur le plan économique et social, surtout après l’apparition de nouvelles catégories de personnes concernées par la corruption, autres que les fonctionnaires et les magistrats, qui échappent à la répression puisque la qualité de fonctionnaire public fait défaut malgré le lien de causalité qui existe entre leurs fonctions et le service public ou l’intérêt généralNote Khmakhem Ridha , les infractions de corruption telles que modifiées par la nouvelle loi, revue de jurisprudence et de législation juin 1998 p 11. La même idée a été reprise lors des débats parlementaires relatifs à l’adoption du projet de loi concernant la modification de certaines dispositions du code pénal relatives aux infractions de corruption et plus exactement dans la réponse du gouvernement à la quatrième question : « la définition prévue dans l’article 82 actuel du code pénal n’est plus compatible avec le développement de la notion de fonction publique et les modalités de direction des services publics »Note Journal Officiel de la République Tunisienne n° 29, 6 mai 1998 ; débats parlementaires p5. La loi n° 98-33 du 23 mai 1998 a modifié cet article en supprimant les termes « tous nos sujets » ainsi que les termes « d'un mandat … dont l'exécution se lie à un intérêt d'ordre public ». Toutefois, elle a ajouté de nouvelles institutions juridiques telles que la « personne dépositaire de l’autorité publique » et la « personne participant à la gestion d’un service public ». Le législateur tunisien, suite à cette réforme, a instauré des institutions juridiques de droit administratif afin d’englober leurs titulaires par les dispositions relatives à la corruption et pour harmoniser les deux ordres (pénal et administratif). Ainsi, d’après la nouvelle rédaction de l’article 82 du CPT « Est réputé fonctionnaire public soumis aux dispositions de la présente loi, toute personne dépositaire de l'autorité publique ou exerçant des fonctions auprès de l'un des services de l'Etat ou d'une collectivité locale ou d'un office ou d'un établissement public ou d'une entreprise publique, ou exerçant des fonctions auprès de toute autre personne participant à la gestion d'un service public. On remarque à ce niveau que le législateur tunisien, lors de la réforme des dispositions relatives aux infractions de corruption, s’est inspiré de son homologue français en utilisant les mêmes critères prévus par l’article 432-11 du nouveau code pénal français à savoir ; une personne « dépositaire de l’autorité publique » ou « participant à la gestion d'un service public ». Pour une partie de la doctrine tunisienne la réforme de 1998 n’a pas apporté de grandes modifications à l’ancienne rédaction puisque les termes « dépositaire de l’autorité publique » et « participant à la gestion d'un service public » étaient englobés par les termes « ordre public » et « intérêt général » qui sont la base des deux premiersNote Kaldi Hejer ; mémoire de fin d’étude à l’ENM 1998-1999 ; « les nouvelles dispositions législatives en matière de corruption ». . A notre sens, la nouvelle rédaction permet l’extension et la clarification de la notion de fonctionnaire public ainsi qu’une meilleure application des textes par les juridictions répressives, d’un autre coté l’inspiration du législateur tunisien de son homologue français n’est pas absolue puisque si les deux droits considèrent que les personnes dépositaires de la l’autorité publique et les personnes chargées d'une mission de service public comme fonctionnaires publics (para1) il existe une divergence entre les deux systèmes juridiques quant aux personnes investies d’un mandat électif (para2). |
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