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Législation-Tunisie

L’Infraction de corruption :
Etude comparative entre le droit français et le droit tunisien

D.E.A. de Sciences Criminelles

Université des sciences sociales, Toulouse 2003/2004
Mémoire écrit par : M. EL AIR Mohamed Zied sous la direction de M. Marc Segonds, maître de conférence.

Le droit tunisien en libre accès

PREMIERE PARTIE: COMPARAISON RELATIVE À L'INCRIMINATION
CHAPITRE II : LES ELEMENTS MATERIELS
SECTION I : L’ACTVITE MATERIELLE DELICTUEUSE
Para II : Les moyens générateurs de la corruption
B - L’antériorité du comportement délictueux par rapport à l’acte de la fonction
1 - L’abandon d’une règle classique du droit pénal français de la corruption

Le droit tunisien en libre accès
D’après une règle classique du « droit pénal de la corruption »Note , il faut que la sollicitation ou l’agrément soit antérieur par rapport à l’acte ou l’abstention. Ainsi, la seule existence d’offres qui précédent l’acte de la fonction ou l’abstention suffit pour caractériser l’infraction.

La condition de l’antériorité est imposée par les libellés même des articles 432-11, 434-9 et 433-1 CPF et L. 152-6 Code du travail, etc. Ces textes établissent l’ordre de succession des différentes étapes de la corruption. Et ainsi puni tout d’abord le fait de solliciter ou d’agréer des offres … pour, seulement après, faire ou s’abstenir de faire l’acte de sa fonction.

La Cour de cassation exige la preuve de l’antériorité de la convention entre le corrupteur et le corrompu à l’acte qu’elle rémunère. L’acceptation d’un cadeau, par un fonctionnaire est peut être moralement ou disciplinairement condamnable ; mais ce n’est pas la corruption en l’absence de convention antérieure. Ce problème ne se pose pas lorsque les sommes demandées ou agrées sont versées effectivement avant la réalisation du but recherchéNote .

Ce point de vue est différent de celui adopté par certaines législations étrangères tels que le droit italien et allemand qui ne connaissent pas la règle de l’antériorité. Ie droit allemand procède à une répression uniqueNote . Les dons rémunérations de l ‘acte accompli et ceux de paiement d’acte à venir sont réprimés par une infraction unique . En Italie le droit distingue entre deux cas. La rémunération a posteriori est moins sévèrement punieNote . Cette distinction est fondée sur l’idée que la gravité des faits est moindre que dans la corruption antérieure à l’acteNote .

La solution adoptée par le législateur français a été critiquée par le professeur DELMAS-SAINT-HILAIRENote . Il trouve que ce principe d’antériorité comporte des conséquences paradoxales puisqu’il permet de punir le fonctionnaire qui a sollicité ou agrée une rémunération mais qui s’est abstenu de réaliser l’acte proposé ou retardé, alors qu’il permet l’impunité du fonctionnaire qui commence par accomplir l’acte délictueux et à réclamer ou accepter la rémunération par la suite.
Le professeur Vitu, quant à lui remarque que cette critique est juste et trouve les remarques du professeur DELMAS-SAINT-HILAIRE pertinentes. Mais elles ne seraient pas conformes au libellé de l’article 432-11 CPF : « Est puni…le fait…de solliciter ou d’agréer…des offres, des promesses…pour accomplir ou s’abstenir d’accomplir… »Note .

La jurisprudence a entrepris de corriger l’impunité que pouvait entraîner l’ingéniosité des délinquants qui procéderaient à des rémunérations successives postérieures au pacte du corrupteur. Elle a retenu un critère fondé sur le nombre des rémunérations. Elle distingue deux situations.
D’un coté, il y a un acte unique ; elle décide qu’il s’agit d’un cadeau et non d’une rémunération corruptrice. D’un autre coté, il y a une succession de cadeaux. Dans ce cas elle décide que le caractère d’antériorité de la rémunération reçue résulte suffisamment du fait qu’elle a été consentie de façon régulière et en quelque sorte permanente, de telle manière qu’elle a nécessairement déterminé le corrompu à accomplir un acte de son emploiNote . Le concert frauduleux peut intervenir ultérieurement à l’occasion d’affaires nouvelles.

La jurisprudence n’a pas choisi la solution d’isoler chaque acte. Elle décide qu’il y a corruption, car les relations se sont nouées entre le fonctionnaire et le particulier. Les dons, rémunérations d’actes passés, peuvent avoir pour but de faciliter les services futurs ainsi, le contexte douteux des cadeaux reçus leur imprime aisément un caractère délictueux et le délit de corruption est alors constituéNote .

Conscients, de la difficulté pour les magistrats de rapporter la preuve du pacte préalable, quelques députés se sont mobilisés, au printemps 2000, pour faire adopter par le Parlement un amendement qui devrait faciliter les poursuites des faits de corruption. Cette initiative a été adopté par la loi du 30 juin 2000 qui a précisé dans les articles 432-11, 433-1 et 434-9 CPF que la sollicitation ou l’agrément peut intervenir « à tout moment »Note . Désormais, les infractions de corruption active ou passive sont constituées quel que soit le moment où le corrupteur a proposé son offre ou son don et quel que soit le moment où le corrompu l’accepté ou sollicité.

Malheureusement, le législateur n’a pas cru nécessaire ou plutôt il n’a pas réalisé qu’il était nécessaire de modifier en conséquence la rédaction de la suite des textesNote . Ceux-ci disent désormais ceci : « la sollicitation ou l’agrément des avantages se fait à tout moment pour accomplir ou s’abstenir d’accomplir un acte de la fonction ». On remarque ainsi, que la lettre de la loi continue de maintenir l’exigence de l’antériorité du pacte de corruption.

Certains auteurs ont proposé de libeller les articles en question d’une autre manière et écrire : « le fait par un fonctionnaire communautaire... de solliciter ou d'agréer, sans droit... des offres... pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir ou pour avoir accompli ou s'être abstenu d'accomplir un acte de sa fonction... »Note .

Certains commentateurs, en se fiant, au ratio legis, ont écrit que la réforme entraîne la disparition de l’exigence de l’antériorité du pacte de corruption et que l’intention du législateur ressort clairement des travaux parlementairesNote .

A notre sens, il ne faut pas interpréter les articles relatifs à la corruption suite à la réforme du 30 juin 2000 d’une manière littérale mais il faut procéder à une interprétation téléologique, donnant la primauté à l’intention du législateur et non à la lettre de la loi. Une telle interprétation permettrait de dire que l’exigence de l’antériorité du pacte de corruption a été abandonnée.

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