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Législation-Tunisie

L’Infraction de corruption :
Etude comparative entre le droit français et le droit tunisien

D.E.A. de Sciences Criminelles

Université des sciences sociales, Toulouse 2003/2004
Mémoire écrit par : M. EL AIR Mohamed Zied sous la direction de M. Marc Segonds, maître de conférence.

Le droit tunisien en libre accès

PREMIERE PARTIE: COMPARAISON RELATIVE À L'INCRIMINATION
CHAPITRE PREMIER - LA QUALITE DU COUPABLE
SECTION II : LES AUTRES PERSONNES AYANT LA QUALITE DU COUPABLE
Para I : Les magistrats et les salariés
B- Les salariés

Le droit tunisien en libre accès
Dans sa rédaction primitive, le Code pénal napoléonien ignorait la corruption des salariés et plus précisément les rémunérations occultes versées par les fournisseurs aux employés des maisons de commerce et des entreprises industrielles avec lesquelles ils sont en relation d’affaires, tandis qu'il réprimait la corruption des fonctionnaires. Cette lacune avait été largement exploitée, surtout depuis la première guerre mondiale. Il faut bien reconnaître que, dans beaucoup d’entreprises, le « pot de vin » était devenu d’un usage constant et régulier. Les employés chargés d’acheter les marchandises, ou de les réceptionner, touchaient d’un fournisseur une rémunération secrète pour les favoriser ou pour évincer ses concurrentsNote . Il a paru donc nécessaire de créer une incrimination contre de tels agissements, tel a été l’objet de la loi du 16 février 1919 qui a été modifiée par la loi du 8 février 1945.

Des deux personnages qui apparaissent dans tout pacte de corruption il y a le tiers coupable de corruption active qui ne mérite pas une explication particulière puisque il peut être quiconque. Par contre, la personne corrompue mérite quelques explications.
L’article 177 ACP, tel que modifié par la loi du 16 février 1919 et la loi du 8 février 1945, visait « tout commis, employé ou préposé salarié ou rémunéré sous une forme quelconque ». Cet article a donné lieu à deux interprétations différentes, l’une est large et l’autre et restrictive. La conception large considère comme salarié toute personne unie à une entreprise privée ou à un particulier. Elle a été proposée par une partie de la doctrine et admiseNote . Certains arrêts de la cour de cassation l’ont admiseNote . D’après cette doctrine l’énumération de l’ancien article 177 visait toute personne unie à une entreprise privée ou à un particulier, « quelle que fût la nature du lien qu’il y attachait : contrat du travail ou d’apprentissage ou contrat de mandat ou tout autre lien contractuel… ». La seule condition était l’existence de la rémunération sous une forme quelconque ; car les mots « rémunérés sous une forme quelconque » ne figuraient pas dans le projet gouvernemental. Ils auraient été ajoutés expressément par la chambre des députés pour inclure dans les prévisions légales les salariés, mais aussi les administrateurs et gérants de sociétéNote .

La conception large a été critiquée par les partisans de la conception restrictive qui considérait que l’énumération légale désignait seulement les personnes liées à l'employeur par un contrat de travail, c'est-à-dire celles qui se trouvaient placées à son égard dans un état de subordination juridique plus ou moins étroit tels que ; le manœuvre, l'ouvrier spécialisé, l'employé de bureau etc. … ce qui excluait l’application de l'article 177 à la personne liée par un contrat d'une autre nature à l'entreprise, et notamment ceux qui sont des mandataires ou des administrateurs de sociétés : il s'agit alors de dirigeants, et non de salariésNote . Cette conception se fonde sur les termes mêmes employés par l’article 177 ACP « commis, employés ou préposés ».
Avec l’apparition du nouveau Code pénal les dispositions relatives à la corruption de salariés figurent désormais dans le code du travail et plus précisément dans l’article L152-6. Cet article, pour clarifier la situation, parle de « tout directeur ou salarié » ce qui a fait naître un débat sur la portée à donner au terme de directeur. Faut il donner à ce terme le sens de dirigeant afin d’étendre la portée de cet article aux administrateurs, présidents ou directeurs généraux de sociétés qui sont « véritablement les maîtres des entreprises et sont placés à la tête de la hiérarchie »Note . Le libellé même de cet article impose de répondre par la négative. Il parle, en effet, du fait, « pour un directeur... de solliciter... à l'insu et sans l'autorisation de son employeur... des dons... ».
Le mot directeur a donc le sens d’un subordonné, car il est soumis à l’employeur qui pourrait lui refuser ou lui donner l’autorisation de recevoir des dons… ». Le professeur Vitu en conclut que « la chambre criminelle ne devrait pas persister dans la position qu’elle avait adoptée… »Note .
Il faut préciser enfin que l’article L 152-6 du Code du travail n’est pas applicable à tous les salariés qui se trouvent dans une situation de subordination juridique vis-à-vis des employeurs. Sont, en effet, exclus tous les salariés des administrations privées placées sous le contrôle des établissements publics par exemple ; la chambre de commerce et d’industrie ainsi que les officiers publics qui relèvent de l’article 432-11 CPF puisque ils sont des personnes chargées d’une mission de servie public. Toutefois les employés des entreprises nationalisées, comme la S.N.C.F, E.D.F etc.…, sont considérés comme des salariés relevant de l’article L 152-6 du Code du travail puisque ces entreprises sont des entreprises privées.

En droit tunisien, contrairement au droit français, aucune incrimination n’est prévue par le législateur pour la corruption des salariés que ce soit dans le code pénal ou dans d’autres textes législatifs notamment le Code du travail tunisien. Ceci peut s’expliquer, à notre sens, par des raisons historiques puisque la Tunisie n’a pas connu, pendant la Première Guerre mondiale, les abus qui étaient commis en France par des employés du commerce et de l'industrie qui acceptaient des pots-de-vin pour favoriser certains acheteurs ou fournisseurs au détriment de concurrents.
D’après une partie de la doctrineNote , la réforme du 23 mai 1998, a instauré implicitement la corruption de salariés dans l’article 82 CPT relatif à la définition de fonctionnaire public qui prévoit « est réputé fonctionnaire public….toute personne … exerçant des fonctions auprès de toute autre personne participant à la gestion d’un service public ». En effet, les termes « auprès de toute autre personne » sont utilisés, selon cette conception, par le législateur pour désigner les salariés des entreprises privées.
Nous pensons que cette interprétation est extensive et contraire à l’intention de l’auteur de la réforme de 1998 puisque rien dans le projet de loi, ni dans les discussions parlementaires ou dans le circulaire du Premier Ministre tunisien, ne fait allusion à la responsabilité pénale des salariés pour des faits de corruption. De plus l’article 82 CPT est relatif à la définition du fonctionnaire public et assimilé et non celle des salariés d’entreprises privées.

A notre sens, le législateur tunisien aurait dû créer une nouvelle incrimination relative à la corruption des salariés d’entreprises privées dans le code du travail tunisien, lors de la réforme du 23 mai 1998, surtout avec la montée de la privatisation des établissements publics qui est de plus en plus fréquente de nos jours en Tunisie. Cette privatisation entraîne, en effet, l’impunité des employés appartenant aux entreprises devenues privées puisqu’ils ne sont plus considérés comme fonctionnaires publics mais comme des salariés qui échappent à l’application des dispositions du Code pénal relatives à la corruption.

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