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Législation-Tunisie

L’Infraction de corruption :
Etude comparative entre le droit français et le droit tunisien

D.E.A. de Sciences Criminelles

Université des sciences sociales, Toulouse 2003/2004
Mémoire écrit par : M. EL AIR Mohamed Zied sous la direction de M. Marc Segonds, maître de conférence.

Le droit tunisien en libre accès

PREMIERE PARTIE: COMPARAISON RELATIVE À L'INCRIMINATION
CHAPITRE PREMIER - LA QUALITE DU COUPABLE
SECTION I - Une personne exerçant une fonction publique
Para I: Les éléments communs de détermination de la qualité de fonctionnaire public
B- Personnes chargées d'une mission de service publique

Le droit tunisien en libre accès
L’article 177 de l’ancien Code pénal visait, non les personnes chargées d'une mission de service public, mais "les citoyens chargés d'un ministère de service public", qui ont été ajoutés par la loi du 16 mars 1943. Selon la jurisprudence élaborée pour l'application de cet article, la qualité de citoyen chargé d'un ministère de service public désigne "les personnes investies dans une mesure quelconque d'une partie de l'autorité publique, et non les personnes qui ne participent pas à cette autorité, bien qu'un intérêt public s'attache à leurs servicesNote ". Comme l'observe le professeur André Vitu, cette définition n'est pas pleinement satisfaisante puisque le critère tiré de ce que les citoyens concernés sont investis d'une partie de l'autorité publique ne permet pas de les distinguer nettement des personnes dépositaires de l'autorité publique. Avec le nouveau code pénal ces termes ont été remplacés par la « personne chargée d'une mission de service public », qui peut être définie comme la personne qui, sans avoir reçu un pouvoir de décision ou de commandement dérivant de l'exercice de l'autorité publique, est chargée d'accomplir des actes ou d'exercer une fonction dont la finalité est de satisfaire à un intérêt généralNote .
Ainsi, contrairement à la personne dépositaire de l’autorité publique, la personne chargée d’une mission de service public n’a, ni un pouvoir qui lui est conféré en vertu d'une délégation de la puissance publique, ni un pouvoir de décision et de contrainte sur les individus et les choses. Toutefois, cette personne est chargée d'exercer une fonction ou d'accomplir des actes qui ont pour but de satisfaire à un intérêt général. Parmi ces personnes, on citera : les syndics de faillite, les séquestres, les gardiens de scellés, les interprètesNote , un inspecteur principal de la RATP, intervenant dans l'octroi de travaux à des entreprisesNote .
À cette liste, il faut ajouter les personnes qui font partie de diverses commissions instituées officiellement et chargées de donner des avis à l'autorité publique ou de statuer elles-mêmes sur des demandes, des dossiers, des projets, qui nécessitent des autorisations, des agréments ou des habilitations officielles par exemple ; les membres des commissions régionales et de la commission nationale des institutions sociales et médico-sociales, les membres des commissions qui jouent un rôle central en matière de bourse et de banque comme la Commission des opérations de bourse(C.O.B).
Il faut préciser enfin que les préposés et agents des administrations placées sous le contrôle de la puissance publique, ajoutés par la loi du 16 mars 1943 à l’ancien article 177 du ACP, peuvent être considérés comme des personnes chargées d’une mission de service public. C’est le cas aussi des membres des entreprises placées sous le contrôle de la puissance publique par voie de réquisition. En effet, toutes ces personnes morales, dont le statut se rapproche sensiblement de celui des fonctionnaires publics, sont assimilées à ces derniers quant aux obligations de fidélité et de probité.
L’étude de la jurisprudence récente démontre que les tribunaux répressifs n’hésitent pas à considérer une personne comme étant chargée d’une mission de service public du moment qu’elle exerce une fonction ayant pour finalité l’intérêt général. Ainsi, Un ingénieur au Commissariat à l'énergie atomique, mis à la disposition de l'Agence nationale de valorisation de la recherche, qui avait notamment pour mission d'apporter son concours à un délégué régional dans l'instruction des dossiers de demande d'aide à l'innovation, a été considéré par la chambre criminelle comme une personne chargée d'une mission de service public, au sens des articles 432-11 et 432-12 du Code pénal, dès lors qu'il était chargé d'accomplir des actes ayant pour but de satisfaire l'intérêt général, peu importe qu'il ne dispose d'aucun pouvoir de décisionNote . D’un autre coté, des journalistes pigistes, employés par une chaîne de service public de la communication audiovisuelle ont été considérés comme ayant la qualité de personnes chargées d'une mission de service public au sens de l'article 432-11 du Code pénal. En acceptant, des sommes d'argent des organisateurs d'une course pédestre ayant bénéficié de la diffusion de messages publicitaires, en exécution d'un pacte intervenu avant la course, ces journalistes se sont rendus coupables de corruption passiveNote . On peut se demander si ces solutions sont identiques à celles prévues par le législateur tunisien?

En droit tunisien ; l’article 82 nouveau du CPT prévoit : « Est réputé fonctionnaire public soumis aux dispositions de la présente loi, toute personne …. exerçant des fonctions auprès de l'un des services de l'Etat ou d'une collectivité locale ou d'un office ou d'un établissement public ou d'une entreprise publique, ou exerçant des fonctions auprès de toute autre personne participant à la gestion d'un service public ». On remarque que cet article prévoit quelques conditions qui permettent de parler d’une personne chargée de la gestion d’un service public.

D’un coté, l’article 82 CPT fait référence à « toute personne…exerçant des fonctions auprès de l’un des services de l’Etat ou d’une collectivité locale », cette condition est prévue par le législateur en Tunisie à plusieurs reprises par des lois extérieures au code pénal comme la loi relative au statut général des personnels de l’Etat et des collectivités locales et les établissements publics à caractère administratif ainsi que d’autres textes spéciauxNote . D’après ces textes l’exercice des fonctions auprès de l’un des services d’Etat ou des collectivités locales doit être permanent et non temporaire contrairement au droit français qui est indifférent quant au caractère permanent ou temporaire de l’exercice des fonctions.
D’un autre coté, il ajoute « toute personne….exerçant des fonctions auprès… d’un établissement public ou une entreprise publique, ou exerçant des fonctions auprès de toute autre personne participant à la gestion d'un service public ». Ainsi, la qualité de personne chargée de la gestion d’un service public est reconnue à toute personne auprès d’un établissement public à caractère administratif ou à toute autre personne participant à la gestion d’un service public c’est à dire les établissements à caractère industriel et commercial.
Sont aussi considérées comme personnes chargées da la gestion d’un service public les fonctionnaires d’ « entreprises publiques ». En règle générale ces fonctionnaires sont soumis aux dispositions du code pénal et non aux dispositions du statut général des entreprises publiques du 5 août 1985 lorsqu’il s’agit de la corruption.
La Cour de Cassation tunisienne, pour déterminer si la personne est chargée de la gestion d’un service public ou non, utilise le critère de l’intérêt général en considérant qui il est la pierre angulaire du service publicNote . D’après cet arrêt, la gestion d’un service public tend à la réalisation d’un intérêt général ainsi les personnes chargées d’une telle gestion qui cherchent la réalisation d’un intérêt personnel contraire au premier porte atteinte à la mission et à la probité. A ce niveau une question se pose ; qu’est ce que l’intérêt général ?
Ni le législateur ni la doctrine n’ont précisé cette notion, toutefois le rapprochement de celle-ci avec des notions voisines permet sa délimitation. Parmi ces notions ; celle d’ordre public et de service public qui sont à leur tour sans définition unanime.
L’intérêt général est une composante de l’ordre publicNote , ainsi, si la corruption porte atteinte à l’intérêt général elle porte obligatoirement atteinte à l’ordre public. D’un autre coté, depuis la réforme du 23 mai 1998 l’article 82 CPT prévoit expressément le « service public »qui a pour objectif l’intérêt général. Cette réforme va permettre désormais aux tribunaux de poursuivre de nouveaux sujets pour des faits de corruption tels que les fonctionnaires d’établissements publics non Etatiques qui gèrent un service public tendant à la réalisation d’un intérêt général par exemple les agents des établissements bancairesNote .

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