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Législation-Tunisie

L’Infraction de corruption :
Etude comparative entre le droit français et le droit tunisien

D.E.A. de Sciences Criminelles

Université des sciences sociales, Toulouse 2003/2004
Mémoire écrit par : M. EL AIR Mohamed Zied sous la direction de M. Marc Segonds, maître de conférence.

Le droit tunisien en libre accès

INTRODUCTION
II- L’historique de l’infraction de corruption

Le droit tunisien en libre accès
L’histoire révèle que la corruption est un vieux fléau qui existait depuis les anciennes civilisations. Dans le très ancien droit romain, la corruption et la concussion ont été confondues et elles étaient englobées dans une même et unique répression sévère. En effet, elles étaient tenues pour des crimes si graves, surtout s’ils étaient le fait de magistrats. Ces derniers pourraient encourir jusqu’à la peine de mortNote . De plus à l’époque de Jules césar, le coupable était puni d’une amende du quadruple des choses reçuesNote .
La société islamique a connu le délit de corruption, ce qui a entraîné la définition de cette infraction, la détermination de ses conditions ainsi que les peines applicables. Dans ce sens, l’Imam El Ghazali l’a défini comme « la dépense de l’argent dans le but d’un acte interdit ou d’un devoir défini » et il ajoute « elle est ce que les gens sont obligés de donner comme argent, dons, services et biens sous formes de cadeaux avec bienveillance ou flatterie en sollicitant des faveurs pour devenir partial. Ce qui signifie rendre l’illicite licite et le licite illicite. Ainsi, la corruption peut survenir à propos d’un devoir à accomplir ou à éviter et s’opère soit par la contrainte, soit par complicité ou par un accord mutuel entre le corrupteur et le corrompu pour la réalisation de leurs intérêts personnels contraires aux intérêts de la collectivité ».
Les jurisconsultes de la religion musulmane étaient unanimes pour condamner la corruption, le corrupteur, le corrompu et l’intermédiaire qui intervenait entre les deux. Ils s’appuyaient pour la condamnation de la corruption sur des arguments issus de la tradition ou fondés sur la raison.
Le Coran affirme : « ne dissipez point vos richesses en dépenses inutiles entre vous, ne les portez pas non plus aux juges dans le but de consumer injustement le bien d’autruiNote ». Certains exégètes se sont appuyés dans la condamnation de la corruption sur cette citation du Coran : « ils prêtent évidemment l’oreille aux mensonges, ils recherchent les mets défendusNote ». Par les « mets défendus » il faut entendre la corruption ou toute acquisition prohibée.
Dans la tradition ( Le Hadith) le prophète déclare : « Malédiction de Dieu sur le corrupteur et le corrompu dans le jugement » et dans une autre version « malédiction de Dieu sur le corrupteur, le corrompu et l’intermédiaire qui intervient entre les deux ».
On raconte que « Amor Ibn Abdelaziz »Note avait refusé un cadeau proposé dans une occasion et lorsqu’on lui disait que le prophète l’acceptait, il répondait : « C’était un cadeau pour lui et une corruption pour nous, parce qu’on voulait se rapprochait de sa prophétie non pour son autorité. Or pour notre cas, on se rapprochait de nous pour notre autorité ».
Amor Ibn KhattabNote a écrit à ses gouverneurs « gardez-vous des cadeaux offerts ; c’est de la corruption ».
La jurisprudence musulmane a défini les éléments fondamentaux sur lesquels s’appuient ce délit. Tout d’abord, le coupable devait être investi du pouvoir de diriger les affaires des musulmans, de plus la corruption devait avoir pour but l’accomplissement d’un service. Enfin elle insistait sur l’existence nécessaire de l’intention coupable chez le corrupteur, en d’autres termes, ce dernier devait être pleinement conscient qu’il faisait une offre, qui devait être acceptée par le corrompu, dans l’intention de corrompre. Ainsi si l’intention coupable faisait défaut, il n’y aurait point de délit.
En France, le concept juridique de corruption n’est vraiment devenu autonome qu’à partir du Code pénal de 1771, étant auparavant confondu avec la concussion. Ce code avait prévu des peines sévères allant jusqu’à la peine capitale de l’époque, à savoir ; la peine de mortNote .

Le Code pénal de 1810 a suivi l’exemple du législateur révolutionnaire en maintenant la distinction entre la corruption et la concussion. Cependant, dans ses dispositions primitives, il punissait de la peine criminelle du carcan et d'une amende tout fonctionnaire public ayant commis des faits de corruption.
Une importante évolution s’est produite depuis 1863, des lois successives ont profondément affecté les articles de l’ancien Code pénalNote relatifs à la corruption . Cette évolution traduit un double courant de la politique criminelle française.
D’une part, il y a eu une extension progressive de la répression due à l’élargissement des incriminations de corruption quant aux personnes visées et quant aux actes de la fonction dont trafiquent ces personnes. Ceci s’explique par l'énorme accroissement des modes d'intervention de la puissance publique dans la vie contemporaine ainsi que le bouleversement des situations économiques dû aux deux guerres mondiales .
D’une autre partNote , il y a eu, suite à la loi du 16 mars 1943, une correctionnalisation de l’infraction de corruption puisqu’un emprisonnement de dix ans s’est substitué à la dégradation civique.
Sachant que les dispositions de droit commun, relatives à la corruption, étaient groupées dans l'ancien Code pénal en un ensemble unique, formé des articles 177 à 182. Ce bloc de textes a été décomposé par le législateur en plusieurs morceaux distincts suite à l’apparition du Nouveau Code pénal en 1992. L'un d'eux, concernant la corruption des salariés des entreprises privées, a été déplacé dans le Code du travail où il figure sous le nouvel article L. 152-6. Les autres groupes ont été dispersés dans le nouveau Code pénal. On trouve dans l'article 432-11 l'incrimination de la corruption passive commise par des personnes exerçant une fonction publique. L’article 433-1 est relatif, quant à lui, à la répression de la corruption active commise par des particuliers. L'article 434-9 est consacré, lui, à la corruption, passive et active, des magistrats et autres personnes intervenant dans l'exercice des fonctions juridictionnelles. Une dernière variété de corruption, visée par l'article 441-8, concerne les personnes qui, dans l'exercice de leur profession, établissent des attestations ou des certificats faisant état de faits matériellement faux. Les autres ont leur place dans des codes différents, par exemple la corruption en matière d'élection, de douanes etc.…

En Tunisie, le Code pénal tunisien de 1913 prévoit la corruption dans la deuxième section du troisième chapitre du deuxième livre. Ce chapitre est consacré aux infractions commises par les fonctionnaires publics ou assimilés dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, on y trouve la corruption, la concussion, les détournements commis par les dépositaires publics et l’abus d’autorité.
Les dispositions relatives à la corruption sont prévues par les articles 83 à 94 CPT. Ces dispositions ont été modifiées à deux reprises par le législateur. Une première réforme de 1989, ayant une portée générale, a supprimé la peine de travaux forcés de tout le Code pénal et plus précisément des articles 88 et 89 CPT relatifs à la corruption de magistrats. La deuxième réforme est intervenue en 1998 suite à la loi numéro 33-1998 du 23 mai 1998 relative à la lutte contre la corruptionNote . C’est la première réforme consacrée exclusivement à la corruption depuis la promulgation du Code pénal en 1913.
Cette réforme avait deux objectifs, d’un coté, elle a élargi les incriminations puisqu’elles étaient limitées auparavant aux fonctionnaires publics et aux magistrats. D’un autre coté, elle a aggravé les peines applicables en cas de corruption. Ces modifications s’expliquent par le nécessaire modernisation du droit pénal tunisien en matière de corruption et par les exigences de la protection de la fonction publique.
A noter que le droit pénal tunisien ainsi que le droit pénal français, malgré les réformes successives, n’ont pas rompu avec le droit antérieur puisqu’ils ont maintenu la distinction classique entre corruption active et corruption passive. La corruption passive est celle vue du coté du corrompu : c’est l’acte par lequel celui-ci accepte ou sollicite un don ou une promesse pour accomplir un acte de la fonction ou facilité par elle. Quant à la corruption active vue du coté du corrupteur ; c’est l’acte par lequel celui-ci obtient ou tente d’obtenir de la personne visée un acte de sa fonction ou facilité par elle. Pourquoi cette dualité ?

Il faut rappeler à ce niveau qu’il existe trois systèmes possibles pour la répression de la corruption. On peut d’abord considérer que, du corrupteur et du fonctionnaire corrompu, le plus coupable des deux est le second qui méconnaît volontairement ses devoirs de fidélité et de probité. Ainsi, le corrompu doit être considéré comme l’auteur de l’infraction, le corrupteur n’étant que son complice. L’inconvénient est ici en cas de tentative de complicité, le corrupteur échappe à la répression puisque dans les deux législations la tentative de complicité est impunissable; c’est la rançon de l’emprunt de criminalitéNote . Le deuxième système considère le corrupteur et le corrompu comme coauteurs de la même infraction. Dans ce systèmeNote , l’infraction serait pleinement réalisée lorsque l’accord est conclu entre les deux coauteurs, on peut aussi retarder la commission de l’infraction jusqu’au moment de l’accomplissement de l’acte de la fonction. Toutefois ce système demeure critiquable et on peut lui reprocher de ne pas distinguer suffisamment entre l’un et l’autre des personnages, le corrompu étant généralement plus blâmable que le corrupteur. Pour éviter les inconvénients des deux premiers systèmes, on a fait appel à un troisième système qui fait de la corruption un complexe de deux infractions distinctes : la corruption active imputable au corrupteur et la corruption passive imputable au corrompu. C’est ce dernier système qui a été admis par plusieurs législations à titre d’exemple ; le droit français, tunisien et allemand.

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