On peut définir les liens hypertextes comme des passerelles
qui nous permettent de passer d'un site WEB à un autre ou
d'une page WEB à une autre. D'ailleurs, On s'accorde aujourd'hui
à considérer ces liens comme la base même du
fonctionnement du WEB en ce qu'ils sont au cur de la navigation.
Cependant, cette opération technique, aussi simple soit-elle,
peut avoir des conséquences juridiques graves aussi bien
pour l'usager, le webmaster, le fournisseur d'accès et même
l'opérateur. En effet, lorsque le lien est utilisé
à des fins qui heurtent l'ordre public, les bonnes murs
et les droits des tiers sous quelque forme que ce soit, leur activation
peut entraîner une activation des règles de droit Civil
et Pénal.
Les Affaires Civiles et pénales qui leurs sont relatives,
se sont accrues et certains, estiment qu'un Droit
de Liens Hypertextes est entrain de se construire. C'est
dans ce sens qu'un effort de définition de la notion du lien
est en cours au niveau de droit comparé. Cet effort permettra,
peut-être, de cerner ses contours juridiques.
Section préliminaire : Définition
de la notion
Le Forum des droits sur
l'Internet (http://www.foruminternet.org) a créé
un groupe de travail dont la tache est de proposer des définitions
valables pour ces liens. On nous avertit, d'abord, qu'il est important
de souligner que le caractère actif du lien et son activation
au choix de l'internaute sont des caractéristiques indispensables
à la notion même de lien. Il convient donc de faire
la différence entre le lien (par nature, actif) et l'adresse
(simple indication pouvant être inactive). Ensuite, on nous
propose les définitions suivantes :
- Hyper-lien ou lien : connexion permettant de relier
des ressources accessibles sur des réseaux de communication
(par exemple le réseau Internet). Il est composé
notamment des éléments suivants, visibles ou non
pour l'utilisateur : élément actif ou activable,
adresse de destination, conditions de présentation de la
ressource liée.
- Lien activable : lien nécessitant une action
de l'utilisateur en ce sens (ex : un " clic ").
- Lien automatique : lien activé sans action
spécifique de l'utilisateur (ex: liens déclenchés
automatiquement à l'affichage d'une page WEB, etc.). L'activation
du lien dépend donc du concepteur de la page et non de
l'internaute.
- Lien simple : lien vers l'un des points d'entrée
désigné d'une collection de ressources* et accessible
par un réseau de communication (par exemple : page d'accueil
d'un site WEB)
- Lien profond : lien vers toute ressource autre que
l'un des points d'entrée désigné de la collection
de ressources* à laquelle elle appartient.
- Lien interne : lien vers une ressource appartenant
à la même collection de ressources*.
- Lien externe : lien vers une ressource appartenant
à une autre collection de ressources*.
*Collection de ressources : ensemble de contenus
de nature variée (image, son, texte, vidéo, etc.)
ayant une cohérence entre eux et géré par
une même entité. Par exemple, un site WEB ou un site
FTP peuvent être une collection de ressources (Source :
Le Forum des droits sur
l'Internet )
D'après les définitions proposées, on constate
que c'est le webmaster (propriétaire de la page WEB) qui
encourt, le plus, le risque de voir sa responsabilité engagée.
Mais rien n'empêche que d'autres personnes soient tenues responsables,
tel le fournisseur de services ou l'opérateur par exemple.
Ainsi, faut-il, d'abord, chercher le fondement de cette responsabilité
(Section I) pour analyser ses applications (Section
II) par la suite.
Section I. - Fondement
L'illicité :
Des essais doctrinaux ont essayé de distinguer entre
les liens licites et ceux illicites. D'ailleurs, on estime que tout
lien est présumé licite. En effet, La Cour d'appel
de Paris, dans un arrêt rendu le 19-9-2001, dit expressément
que "
la création au sein
d'un site d'un lien permettant l'accès à d'autres
sites n'est pas, en soi, de nature à engager la responsabilité
de l'exploitant
" (Source: Le
Forum des droits sur l'Internet ). On peut supposer, aussi,
que tout propriétaire d'un site WEB est censé autorisé
implicitement l'établissement des liens hypertextes vers
la page d'accueil de son site. Ainsi, La mise en garde d'un refus
de tout lien vers son site serait sans effet !
Cependant, lorsque "
.. La création de ce lien procède d'une démarche
délibérée et malicieuse, entreprise en toute
connaissance de cause par l'exploitant du site d'origine, lequel
doit alors répondre du contenu du site auquel il s'est, en
créant ce lien, volontairement et délibérément
associé dans un but déterminé "
(idem). Serons-nous alors dans un cas d'illicité ? Pour en
juger la nature, ni la doctrine, ni la jurisprudence ont échappé
à la nécessité de rechercher une faute auprès
du Webmaster
La Faute :
On est pratiquement tenté d'exclure de ce cadre d'étude
la faute contractuelle. En effet, on conçoit mal qu'un contrat
ait été établi entre deux ou plusieurs Webmaster
s'engageant de ne pas établir des liens vers leurs sites
respectifs. On est certain, que cette faute ne peut être qu'une
faute civile délictuelle, quasi-délictuelle ou une
faute pénale.
La Faute Civile délictuelle et quasi-délictuelle:
En droit tunisien, on peut avancer que les
articles 82 et 83 du COC peuvent être le fondement de
cette faute. Ainsi, on devrait chercher auprès du webmaster
le fait qui a causé sciemment et volontairement à
autrui un dommage matériel ou moral, ou une faute de sa part
; Cette faute consistera en une omission de ce qu'on était
tenu de faire ou en une action qu'on était tenu de s'en abstenir.
Mais, on peut, aussi, trouver un fondement spécial dans l'article
9 du cahier des charges fixant les clauses particulières
à la mise en uvre et l'exploitation des services à
valeur ajoutée des télécommunications de Type
Internet qui dispose que les clients abonnés, propriétaires
des pages et serveurs hébergés sont responsables des
infractions aux dispositions de la législation et de la réglementation
en vigueur. Cette réglementation est facilement déterminable
par simple référence à l'énoncé
de l'arrêté qui a approuvé un tel cahier.
La Faute pénale : Elle sera certainement
recherchée sur le plan de la complicité étant
donné que les articles
32 et 33 du code pénal punissent la complicité
au même titre que le fait incriminé.
Section II. - Applications
Par référence à la jurisprudence et la doctrine
comparées, mais aussi par référence aux énoncées
du décret 97-501 du 14 mars 1997 relatif aux services à
la valeur ajouté des télécommunications et
arrêté du ministre des télécommunicationsNote
du 22 mars 1997 portant approbation du cahier des charges fixant
les clauses particulières à la mise en uvre
et l'exploitation des services à valeur ajoutée des
télécommunications de Type Internet, on peut délimiter
dans une première approche les terrains d'élection
de la responsabilité éventuelle résultant des
liens hypertextes.
Ainsi, la publicité commerciale, le droit de la presse, le
droit de la concurrence, le droit de la consommation et la propriété
intellectuelle constituent un domaine sensible pour établir
une telle responsabilité.
Le droit de la propriété intellectuelle
:
Droit d'auteur : Les liens dits
liens profonds (" deep linking "), qui renvoient à
une page secondaire du site cible constituent une atteinte au droit
d'auteur en l'absence d'autorisation préalable de son webmaster.
De même, un " inling " ou un " framing ".
Cette responsabilité trouve justification dans l'article
2 de la Loi
n° 94-36 du 24 février 1994, relative la propriété
littéraire et artistique qui dispose que "
Le droit d'auteur comprend le droit exclusif d'accomplir ou d'autoriser
que soit accompli l'un quelconque des actes suivants : a) reproduire
l'uvre sous une forme matérielle quelconque
b)
Communiques l'uvre au public par tout moyen
".
L'article 51 de la même loi précise que "
.. La preuve de l'atteinte portée au droit d'auteur existe
lorsque l'utilisateur de l'uvre ne justifie pas de l'autorisation
visée à l'article 2 de la présente loi. ".
Ainsi, l'établissement d'un lien en direction de fichiers
MP 3, peut-il être constitutif d'une mise à disposition
de contenus illicites violant le droit d'auteur ou les droits annexes
qui sont protégés par l'article 1er de la loi du 26-2-1994
et le chapitre 7 du projet de réforme de la dite loi ou constitue-t-il
une contrefaçon ??
Marques de fabriques : L'article 21
de la loi 2001-36 du 17-4-2001 relative à la protection des
marques de fabrique, de commerce et de services, dispose que l'enregistrement
de la marque confère un droit de propriété
emportant interdiction de reproduction, usage ou apposition (art.
22) et que toute atteinte constitue une contrefaçon engageant
la responsabilité civile et pénale de son auteur.
C'est l'action en contrefaçon.
Dans ce sens, le tribunal de grande instance de Paris, dans une
affaire en date du 5-9-2001 opposant une société qui
reproche à une autre la mise en place d'un lien dit profond
vers ses pages secondaires dénaturant le contenu de son site,
a affirmé que " le détournement
de trafic est la conséquence des actes de contrefaçon
et non un acte de concurrence déloyale ".(Le
Forum des droits sur l'Internet)
Le droit de la concurrence :
La création d'un lien donnant accès à
un site ou page WEB contenant des propos, informations ou images
portant atteinte aux produits ou services d'un concurrent direct
constitue un comportement fautif qualifiable de concurrence déloyale.
C'est ce qu'a décidé la Cour d'Appel de Paris dans
une décision du 19-9-2001 (Le
Forum des droits sur l'Internet)
La publicité commerciale :
La Loi n°98-40 du 2 juin 1998, relative aux Techniques
de Ventes et à la Publicité Commerciale dispose dans
son article 35 qu' " Au sens de la présente
loi, est considérée comme publicité, toute
communication ayant un but direct ou indirect de promouvoir la vente
de produits ou de services, quels que soient le lieu ou les moyens
de communications mis en uvre". L'Art.
36 dispose aussi qu'il est " - Est interdite
toute publicité portant sur :une activité non autorisée,
les produits dont la commercialisation est interdite, Les produits
qui ne sont pas disponibles sur le marché pendant la période
de la publicité. Les produits dont l'origine est inconnue.
"
Le Cadre pénal :
Un lien qui renvoi à un site dont le contenu est constitutif
d'une infraction pénale peut engager la responsabilité
pénale de son auteur par le jeu de complicité. D'ailleurs,
cette responsabilité peut s'étendre aux fournisseurs
de services et aux opérateurs qui sont tenus d'une "
obligation de moyen " générale
incluse dans les articles 11 et 12 du décret 97-501 du 14-3-1997
et l'article 9 du cahier de charges susvisés.
AsdrubaL