Evoqué à deux ou trois reprises sous ce filet de discussion, voici l'arrêt Houria...
Un sujet "tabou".
A lire surtout la présentation et les commentaires de Mademoiselle E. de Lagrange, reproduits ci-après dans leur intégralité.
"Le mariage d'une musulmane avec un non-musulman est nul, de nullité de plein droit.
Mais, ce mariage ne fait pas présumer l'apostasie qui doit être prouvée.
Le musulman qui de sa propre volonté abandonne sa nationalité et en acquiert une autre qui le soustrait aux principes et dogmes de la religieon musulmane, est un apostat.
Un moyen mélangé de fait et de droit est irrecevable davant la Cour de Cassation.
L'autorité de chose jugée ne s'attache pas aux décisions rendues par une commision de liquidation de biens habous."LA COUR:
Sur le moyen soulevé d'office par le MP et tiré de la violation de l'art. 88 du Code du Statut personnel, en ce que ce texte dispose qu "l'homicide volontaire constitue l'un des empêchements à la successibilité" et non le seul empêchement à la successibilité, qu'il n'est donc pas limitatif, et qu'il fallait dans ces conditions appliquer à l'affaire des règles du Droit Musulman dont s'inspire ledit code et d'après lesquelles une Musulmane qui épouse un non-musulman, comme c'est le cas de l'espèce, est exclue du droit de succéder à un musulman.
Vu l'article 88 sus-visé.
Attendu qu'il est incontestable que la femme musulmane qui épouse un non-musulman commet un pêché impardonnable, que la loi islamique tient un tel mariage pour nul et non avenu, mais ne tient pas pour autant l'épouse pour apostasie, à moins que de son plein gré, elle ait embrassé la religion de son mari.
Attendu qu'il ne résulte nullement des énonciations de l'arrêt attaqué ni des pièces de la procédure sur laquelle il s'est fondé que la défenderesse au pourvoi "Hourya" ait abandonné sa religion musulmane pour se convertir à d'autres religions.
Attendu que le moyen est donc infondé et doit être écarté.
Sur le premier moyen soulevé par le demandeur, pris de la violation de l'
article 88 du Code du Statut Personnel, en ce que l'arrêt attaqué n'a pas exclu la défenderesse du droit de succéder à sa mère musulmane, alors qu'elle avait selon le pourvoi, obtenu sur sa demande déposée à la justice de paix de Sousse le 16 août 1945, sa naturalisation française, qu'elle a ainsi renié sa propre religion et renoncé aux principes et dogmes de celle-ci, que la Loi Coranique et l'unanimité des jurisconsultes musulmans la tiennent pour une renégate, que la décision n° 1362 de la commission de liquidation des biens habous de Sousse en date du 22 mai 1961 et le jugement n° 54856 rendu par le tribunal mixte immobilier de Sousse le 17 juillet 1953 se sont prononcé dans ce sens.
Attendu qu'il est incontestable que le musulman qui, de sa propre volonté, a abandonné sa nationalité et acquiet par voie de naturalisation, une autre nationalité qui le soustrait aux principes et dogmes de sa religion musulmane est un apostat.
Mais attendu que le moyen est mélangé de fait et de droit, qu'il aurait dû être soulevé devant les juges du fond aux fins de vérification, et qu'il est donc irrecevable devant la Cour de Cassation.
Sur le deuxième et dernier moyen soulevé par le demandeur, pris de la violation de l'
article 480, du Code des Obligations et Contrats.
Attendu que le demandeur reproche également et vainement à l'arrêt d'avoir méconnu l'autorité de la chose jugée qui s'attache à la décision sus-visée de la commission de liquidation des habous de Sousse déclarant la défenderesse Hourya déchue du droit d'accéder à la succession de sa mère musulmane, au motif qu'elle a renoncé à sa religion, alors que cette décision n'a été frappée d'aucune voie de recours.
Mais attendu qu'aux termes de l'
article 480 sus-visé et suivants l'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'aux jugements rendus par les tribunaux et non aux décisions rendues par une commisssion exclusivement chargée de liquider des biens habous.
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel de Sousse, loin de violer les textes visés au pourvoi, en a fait une exacte application.
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme et qu'il est dûment motivé.
Pour ces motifs :
Rejette le pourvoi et ordonne la confiscation de l'amende consignée.
Président : M.Mohamed Loussaief
Ministère Public : M. ali ben Hamida.