Du nouveau à propos de la retraite anticipée

Sauf "miracle", nous allons assister dans un mois, environ, à la promulgation d’une loi sur la retraite anticipée[1].

Certains vont peut être attendre passionnément cet évènement pour envisager de partir au repos plus tôt que prévu. Nous leurs dirons tout de suite que ça sera une peine perdue.

Voyons de près ce que cette loi a dans ses poumons:

Domaine d’application:

Elle vise les agents de l’Etat, les collectivités locales, établissements publics à caractère administratif (EPA) et les établissements publics de santé.

Donc, le secteur privé en est exclu, de même les agents des établissements publics à caractère non administratif et des entreprises publiques.

Qui pourra en bénéficier?

Il ne suffit pas d’être un agent concerné par son domaine d’application pour bénéficier de ses dispositions, car en plus, il faut:

– être en état d’exercice (ce qui exclu les cas de détachement, de disponibilité et sous les drapeaux)

– affilié à la CNRPS.

– Avoir exercé durant 15 ans minimum

– Avoir l’âge légal de la retraite durant la période allant du 1/1/2010 au 31/12/2012 (en d’autres termes, être âgé actuellement entre 57 et 59 ans)

Comment en bénéficier?

Il ne suffit pas d’être un agent concerné et réunissant les conditions susvisées pour rêver de partir tôt. Il faut en plus:

– faire le demande dans un délai de 3 mois maximum à partir de la date de publication de la dite loi.

(Si nos prévisions seront exactes, cette publication interviendra au cours de 1ère quinzaine du mois de juillet[2]. Donc, la date limite de dépôt se situera aux alentours de la 1ère quinzaine d’Octobre).

C’est fini? Non. Car il faut décider du sort de la demande.

Qui décidera?

Le ministre de tutelle ou hiérarchique propose les demandes relevant de son département et les transmet à une commission spécialisée au sein du 1er ministère.

A lire le texte, ce ministre ou le supérieur hiérarchique peut décider du refus de la demande.

Ensuite, la commission peut ne pad donner suite favorable aux demandes ayant acquis la bénédiction du ministre. En effet, elle décide en fonction de ces éléments:

– l’équilibre structurel des ressources humaines de l’Etat[3].

– Spécificités du secteur auquel appartient l’agent.

– Ne pas dépasser le nombre de 7000 bénéficiaire[4] de cette loi.

Et après?

Si la commission donne son accord à al demande de l’agent, ce dernier bénéficie de la pension immédiatement à partir du jour de son départ avec une bonification pour la période restante pour avoir l’âge légal.

Et qui paye tout ça?

En principe, l’employeur prend en charge le salaire et les cotisations pour la période allant de la retraite anticipée à la date du l’âge légal.

Mais en réalité, le système est aussi compliqué.

En effet, c’est la CNRPS qui va gérer tout ce charabia. Mais comme cette caisse est déjà aux abois, on va créer un compte spécial de trésorerie par la loi de finance complémentaire 2009 pour financer les mesures exceptionnelles relative à cette mise en retraite anticipée.

Ce compte sera financé par:

– une partie de la majoration des prix de tabac et allumettes[5].

– Une partie de la taxe sur les jeux par sms, téléphonie ou centre d’appel[6].

– Autres ressources.

Donc, l’employeur va continuer à payer salaire et cotisations à la CNRPS qui va aussi bénéficier d’autres ressources importantes en parallèle!!!

Alors, vous y êtes? Vous avez compris?

Non?

Moi non plus.

Donc, si j’ai bien compris, on veut libérer (entre novembre et décembre 2009) 7000 agents pour autant d’emplois crées[7].

Pour y arriver:

– On limite la base des bénéficiaires doublement (par secteur d’agents et tranche d’âge)!!!

– On limite la durée pour en faire la demande qui se situe comme par hasard dans une période estivale ou critique pour les familles tunisiennes!!!

– Ou double le palier d’accord (ministre et commission)!!!

– On limite le nombre d’agents (7.000)!!!

Vraiment, on a tout fait pour faire réussir cette initiative.

Ça me rappel tristement la loi 2006-58 instituant un régime spécial de travail à mi-temps avec le bénéfice des deux tiers du salaire au profit des mères, qui, tellement été mal conçue, est restée lettre morte.

Si vraiment on a voulu créer ces 7.000 postes d’emploi, on aurait commencé tout d’abord par l’arrêt des maintiens en activité des agents au-delà de la retraite qui n’apportent rien de plus à l’administration. On aurait pu élargir la base aux âgé(e)s de 55 ans ou ayant entre 25 et 30 ans d’activité et faire étendre cette tranche aux différents agents de l’Etat avec toutes ses composantes.

Au vu de la malheureuse expérience qu’a connu la loi 2006-58, nous pensons que c’est une autre peine perdue


[1] – Le titre de la loi sera, en principe, loi relative à la mise en retraite avant l’âge légal. (الإحالة على التقاعد قبل السن القانونينة)

[2] – Ca sera une période congé pour une bonne partie des agents. Ensuite, ca sera Aout avec ses siroccos, ensuite ramadan et ses dépenses et la rentrée scolaire et ses problèmes. Durant cette période, on va demander aux agents de faire un demande de retraite????

[3] – Seule cette commission détiendra les clés de la définition de cette notion

[4] – le nombre des agents qui partiront à la retraite entre le 1/1/2010 et le 31/12/2012 est estimé aux environs de 20.000.

[5] – Donc, ces prix vont encore grimper apparemment. Malgré que les taxes sur ces produits présentent des ressources financières importantes pour l’Etat, on est entrain de mettre le turbo dans la lutte anti-tabac et on continue à miser là-dessus!!!

[6] – On doit s’attendre à voir se multiplier les émissions télé à 2 balles favorisant les jeux !

[7] – Les emplois crées seront concentrés dans les domaines suivants: ingénieurs et spécialistes de télécommunication, finances, économie, droit et médecine.

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La mission du juge: Résolution des litiges et non la liquidation des affaires

La mission du juge ne consiste pas dans la simple liquidation des affaires mais plutôt dans la résolution des litiges conformément à la loi et sur la base de données exactes ce qui nécessite, de sa part, un bon effort personnel pour chercher la vérité.

C’est ce qu’a affirmé la Cour de Cassation à l’occasion d’une affaire de remboursement de dette[1]. La justice d’aujourd’hui! Cet arrêt en dit beaucoup.

Certains vont être surpris, impressionnés, ébahis, scotchés, ou même choqués par cette parenthèse ouverte par la Cour pour rappeler aux juges, la fonction d’un juge.

Personnellement, Non. Je voyais venir cette leçon au vu de la métamorphose manifeste qui a caractérisé les arrêts de la Cour de Cassation depuis des décennies.

En réalité, ce n’est ni une leçon, ni un rappel, mais un Cri. STOP, disait la Cour, submergée par le nombre des pourvois en cassation. En 2007-2008, les affaires enrôlées à la Cour ont atteint 48.949 affaires. C’est TROP.

Depuis une décennie, presque, on a senti un nouveau style des arrêts de la haute Cour. On dirait des cours de droit. Des cours que la haute juridiction voulait en faire un cadeau aux juges et aux avocats, aussi.

Mais ça n’a pas suffit, apparemment. D’ailleurs, on a constaté dans des dizaines d’arrêts que les différentes sections de cette Cour se sont trouvées dans l’obligation de traiter les faits des affaires pour en conclure à la bonne règle de droit, applicable.

Ainsi, certains n’ont pas raté l’occasion pour constater que la Cour de Cassation est devenue un 3ème niveau de juridiction de fond. Ils n’ont pas tort. C’été une amer réalité qui ne devait pas être.

La justice a mal? Certes, oui, mais quelle est la pathologie? Devrons-nous s’en vouloir aux juges de fond? Non, non plus.

Il est évident, et tout le monde en est conscient, que le nombre des juges reste insuffisant au vu du nombre des affaires enrôlées chaque année. Pour l’année 2007-2008, 167.910 affaires enrôlées aux 10 Cours d’Appel dont 56.272 devant la seule Cour d’Appel de Tunis (33,5%). 1.698.904 affaires enrôlées aux 24 TPI dont 242.386 devant le TPI de Tunis (14%).

Ce chiffre colossal est traité et géré par un nombre de magistrats qui ne dépasse pas les 1500!!! C’est peu. Trop peu.

D’où le dilemme. Un juge doit se poser la question: ou j’essaie de rendre une bonne justice au dépend de la stabilité des situations juridiques des justiciables (vu qu’il va s’attarder longtemps sur chaque dossier) ou je dois veiller à fixer les situations juridiques de différentes parties le plus vite possible au risque que ça soit au dépend d’une bonne justice?

Il ne faut pas oublier que la justice est faite pour assurer la stabilité des situations juridiques des justiciables ce qui implique un besoin de célérité et de rapidité sans pour autant que le défaut d’une bonne justice en soit un effet automatique.

Accuser les juges de ne pas rendre une bonne justice (volontairement) serait un crime. Après tout ils sont de la race humaine. Ils peuvent commettre des erreurs, passer à coté de la plaque; y a des juges plus intelligents que d’autres; y en a qui sont plus méticuleux que d’autres, mais nous ne manquons pas de juges compétents.

La bonne justice est un idéal, la stabilité des situations juridiques est un but immédiat. Peut-on concilier les 2? Difficile, mais le rapprochement entre les 2 parties de la balance n’est pas impossible.

C’est dans ce sens que nous pensons qu’il est temps d’avoir le courage de revoir notre système judiciaire et réformer notre justice. Quand on voit des cours siégeant avec 5 magistrats ou même 3, nous en concluons par une simple opération arithmétique que nous avons de 2 à 4 magistrats en moins.

Les systèmes judiciaires favorisant les tribunaux à juge unique ont résolu quelque problème étant donné que ce système élargit la base de fractionnement juge/affaire et permet une meilleure spécialité des magistrats qui ne peut être que bénéfique pour tout le monde.


[1] – Cour de Cassation, Arrêt n° 11402 du 23/10/2007; BCC 2007, I, 129.

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Une Patente à vendre

Je ne suis pas fort en matière de voies d’exécution, mais à croire cet avis de vente aux enchères (1), font partie du lot mis en vente, une patente et une autorisation d’exploitation (3)!!! à coté du shampoing, Dentifrice et autres objets.

En plus, à lire ce qui est marqué par la flèche 3 (identification fiscale du saisi non précise/ inconnue) on devient plus curieux de savoir à qui appartient cette patente?

On aura tout vu

On ne dirait pas que c’est un huissier qui a fait l’inventaire du local mais un Robot qui n’a fait que travailler les yeux, et non la cervelle.

A ce rythme, on ne s’étonnera nullement de voir figurer sur les listes des objets saisies mis à la vente aux enchères publiques: la constitution, l’emblème de la république ou un portrait…

Il est clair que ce n’est pas l’huissier en personne qui a arrêté cet inventaire mais ses assistants dépourvus de culture juridique de base. On sait que les huissiers notaires délèguent de nos jours, et de plus en plus, leurs fonctions d’assignation et autres trucs à ces gens (secrétaires) ce qui n’est pas tout à fait légal.

Rares sont les gens qui exigent une carte professionnelle des gens qui viennent frapper à leurs portes pour leurs faire parvenir des assignations en justice ou autres documents.

Pire, ce sont aujourd’hui des avocats qui se hasardent à laisser leurs secrétaires (الكتبة) s’occuper des taches jugées sans importance allant même à rédiger des requêtes ou répondre à des rapports d’autres avocats.

Ces gens, se jugeant modestement capables de jouer le métier d’avocat, osent même prendre des affaires et les plaider!!!

Dernier acte dont j’ai pris personnellement connaissance, c’est au cours d’une conversation avec un "assistant" d’un avocat (qui s’est avéré par la suite son sécrétaire) qui m’a solennellement affirmé et avec une extrême certitude que l’opposition aux jugements n’est possible qu’en matière pénale.

On aura tout vu? Non, au vu de ce que on voit, il ne faut pas s’étonner…à voir pire.

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La Réponse Graduée: Une technique qui mérite réflexion

Après que le Conseil constitutionnel Français ait fusillé la loi Hadopi (nous en étions parmi les premiers à relayer l’information sur nos forums) il serait sage de ne pas se presser à aller aux obsèques et apprécier l’enterrement.

En effet, même si cette (ex) loi est mauvaise dans son ensemble, elle n’a pas manqué d’apporter aux juristes une matière à réflexion d’une grande importance: La technique de la réponse graduée.

Ainsi, et indépendamment de son fondement civil initial, elle parait comme une technique très intéressante qui peut apporter beaucoup de nouveautés à la notion "Sanction" dans plusieurs matières juridiques.

Nous pensons spécialement, dans ce cadre, à la matière pénale et fiscale, surtout, où la répression légale et juridique est brusque, voir brutale.

Appliquer systématiquement une sanction dès qu’un fait incriminé se produit nous parait aujourd’hui une technique de riposte qui devrait être revue.

La prolifération des lois, la complexité de certains dispositifs juridiques (Fiscal, Copyright, High-tech …) et la défaillance des systèmes d’information juridique font qu’une bonne partie de la population se trouve dans une situation d’ignorance totale (et forcée) de la loi.

Le principe Nul n’est censé ignoré la loi ne peut plus être conçu et apprécié abstraitement et son sens ne doit pas comporter ou aboutir à la conclusion que Toute personne doit connaître la loi et la comprendre. Il ne fait nul doute que la non ignorance de la loi ne se limite pas à prendre connaissance de l’existence de la loi, mais faut-il aussi avoir les capacités de la comprendre et saisir ses différentes répercussions.

C’est pour ces différentes raisons que la réponse graduée parait une bonne technique adaptée à pondérer l’application immédiate du texte et modérer ses effets répressifs et contraignants qui pourraient être, parfois, nocifs.

La réponse graduée consistera donc à substituer l’application systématique de la sanction par un système allant de l’avertissement (par différents moyens) à la sanction pénale ou fiscale comme extrême solution. Ceci implique qu’entre les deux pôles, il doit y avoir d’autres techniques de rappel à l’ordre.

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