Promotion immobilière: variation des modalités garantissant l'acquéreur sans trop forcer!

La loi n° 17 du 26 février 1990 relative à la promotion immobilière a connu plusieurs amendements depuis sa promulgation (environ 4). Un nombre important des tunisiens ont eu affaires à des promoteurs immobiliers qui fleurissent de partout. Environ 1600 promoteurs immobiliers se sont faits connus.

Tout le monde peut devenir promoteur. J’ai connu un électricien (simple agent) et un maçonniez qui se sont convertis en promoteurs et ils le sont encore. Il suffit d’être agrée par le ministère chargé de l’habitat pour devenir un homme d’affaire. L’acquisition des terrains et la construction ne nécessitent pas un autofinancement colossal puisque le tout pourrait être financé par des crédits bancaires et les acomptes des clients.

Le marché est juteux.

Et même si plusieurs acquéreurs se sont rendus compte après acquisition que ce n’était pas l’immeuble dont ils ont rêvé, les actions en justice intentées contre ces promoteurs sont rarissimes.

Les heureux promoteurs doivent cette accalmie à la nature du tunisien qui craint les polémiques judiciaires d’autant plus qu’il se trouve démuni de toute force financière après avoir déboursé tout pour avoir un chez soi.

C’est peut être dans ce cadre qu’un nouveau projet de loi va intervenir pour mieux assurer ces acquéreurs qui consentent des avances sur prix aux promoteurs par un simple amendement apporté à l’article 12 de la dite loi.

Cet article dans sa rédaction actuelle interdit dans son 1er paragraphe au promoteur d’exiger ou accepter des versements, dépôts, souscriptions ou effets de commerce avant la signature de la promesse de vente dans les conditions prévues à l’article 10 de la même loi.

Toutefois, Le second paragraphe autorise, et uniquement après signature de la promesse, que des avances peuvent être consenties par l’acquéreur à condition qu’elles (les avances) donnent lieu à la délivrance d’une caution bancaire par le promoteur dans les conditions prévues par le cahier des charges.

Le nouvel article 12 va ajouter la caution délivrée par une institution d’assurance au profit de l’acquéreur.

Ce ne sont pas des cautions cumulatives. Le promoteur délivrera soit une caution bancaire soit une caution assurance.

Nous aurions souhaité que la protection des acquéreurs soit plus étendue. Car les problèmes avec la promotion immobilière ne se situent pas au niveau de ces avances mais plutôt au niveau des retards de livraison et les défauts qui se manifestent après entrée en jouissance.

En effet, il serait plus judicieux de prévoir la garantie effective des acquéreurs pour les pénalités de retard de livraison que doit assumer le promoteur.

Ensuite, faut-il obliger le promoteur à s’assurer de la mise en place du syndic et l’adoption de son règlement par un engagement signé par les acquéreurs.

Il suffit de voir l’état des immeubles après 1 ou 2 années d’exploitation pour se rendre compte que l’esprit de la communauté faisant défaut ( avec des conséquences désastreuses) les parties communes disparaissent dans un laps de temps record par le fait de leur appropriation par une minorité sans crainte des sanctions et profitant de l’absence de police du syndic qui ne verra le jour qu’après une ère.

Si on donne l’occasion à des gens pour devenir riches faut-il aussi les obliger à garantir, au moins, la paisibilité des modestes acquéreurs qui ont payé (et lourdement) pour assurer la richesse des autres.

Nous espérons aussi que le tunisien ne craint plus un promoteur et qu’il fasse valoir ses droits quant au retard de livraison et aux vices cachés et apparents qu’il constate à son entrée en jouissance du bien acquis.

Plus encore; Qu’il ne se laisse pas faire en cas de publicité mensongère faisant état qu’on lui vend un imeuble dans un paradis avec un luxe que des monarques en rêvent. STOP. Consultez Vos avocats avant de signer et n’hésitez pas à NEGOCIER.

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Le Timeshare: attention à l'arnaque

Après la loi n° 2008-33 du 13 mai 2008 relative à l’hébergement touristique à temps partagé (le timeshare) voici les textes d’application qui paraissent une année après au JORT. Ces textes sont:

1- Décret n° 2009-1935 du 15 juin 2009, portant fixation des conditions d’obtention de l’autorisation préalable à l’exercice de l’activité d’hébergement touristique à temps partagé.

2- Arrêté du ministre du tourisme du 16 juin 2009, portant approbation du contrat type relatif à la cession du droit de jouissance d’hébergement touristique à temps partagé.

L’expérience du timeshare en Tunisie, et dans le reste du monde, a été parfois malheureuse vu que beaucoup de citoyens ont été induits en erreur par la mauvaise (ou malicieuse) publicité qui les a conduit à acheter.

Le truc est simple: on (les promoteurs) dit qu’on vend des appartements dans lieux balnéaires (surtout) à des prix alléchants. Les victimes y croient et courent conclure des contrats moyennant une belle somme. Ils croyaient avoir acquis un appartement alors que ce n’en est Rien. En réalité, ils n’ont même pas acquis un simple droit réel; juste un droit personnel, un droit à l’hébergement pour une période déterminée dans un lieu précis.

Après la conclusion du contrat et au premier contact avec le local[1], les acquéreurs sont sonnés par la teneur de ce qu’ils ont acheté.

Les lois européennes ont été modifiées ou amendées pour apporter plus de sécurité et de protection aux acquéreurs sur recommandation des institutions européennes.

La Tunisie a suivi, mais sans adopter la même teneur (sinon, ca ne sera pas la Tunisie).

En réalité, nos amis européens ont modifié la législation, certes pour mieux protéger les consommateurs, mais surtout pour relancer ce secteur touristique prometteur[2].

La Tunisie  a abandonné l’ancienne loi pour une autre plus récente et on a supprimé toute détermination de la nature de ce droit. Pire, on est allé même à l’encontre de la tendance internationale. En effet, l’article 2 de la nouvelle loi n’a pas repris la formule de la loi abrogée qui indiquait que le droit acquis par les acheteurs est un droit personnel.  Le ministre du tourisme a estimé que ce droit est un droit d’usufruit, donc droit réel!!!

Si on dit droit réel, c’est que tout acquéreur pourra l’enregistrer au registre foncier.

Alors une petite statistique:

Ce droit d’usufruit ne dépasse pas les 15 jours/an. En une année, nous avons 53 semaines. 53/2= 26,5. Donc, pour chaque appartement nous aurons au moins, 26 transcriptions au registre foncier. Comme ce droit peut être transmis par la cession, le prêt, la location, l’échange et la succession, imaginez le nombre impressionnant de transcriptions que pourrait subir un modeste titre d’un misérable appartement de 1 pièce!!!

Encore, faut-il souligner que ce droit a une durée minimale de 5 ans. Et après 5 ans? Comment le nouvel acquéreur pourra-t-il inscrire son droit sachant qu’il conclut un contrat avec la société et non l’ancien acheteur!!!

Pour encourager ce secteur et les investisseurs, la loi prévoit qu’ils doivent fournir une caution bancaire ininterrompue en guise de garantie de leurs obligations professionnelles envers les clients et qu’il leur est interdit de cumuler l’activité d’hébergement touristique à temps partagé et l’activité ordinaire d’hébergement. C’est comme demander à un pilote de décoller tout en lui faisant savoir que son réservoir est à sec ou que ses pneus sont à plat.

La protection du consommateur n’est pas au top aussi. Le ministère du tourisme dans ses réponses écrites aux commissions parlementaires (séance plénière du 14/4/2008) avait indiqué que le contrat type contiendra pas moins de 13 mentions obligatoires (dont: identités des parties, objet, durée, prix, délai de réflexion, modalité de gestion du droit, modalités de résiliation, modalités de l’inventaire, obligations de l’acheteur, les documents joints au contrat, la participation à la bourse d’échange, les dépense communes et les modes de résolution des litiges).

L’arrêté du 16/6/2009 a repris ces indications Sauf que:

Quand on lit l’article 7

Article 7 : Obligations du bénéficiaire :

Le bénéficiaire déclare avoir pris connaissance de toutes les dispositions du règlement intérieur de l’unité d’hébergement, des locaux et des espaces collectifs ainsi que des conditions générales de leur exploitation et accepte de s’y conformer.

On ne peut que constater que la protection du consommateur par une telle rédaction est quasi absente voir inefficace. On s’attendait à ce qu’on s’assure que le consommateur signe en connaissance réelle des documents joints.

Attention. Ne signez jamais un tel contrat sans avoir réellement pris connaissance de ce document.

Encore, l’article 5 : Délai de réflexion stipule qu’il est « accordé au bénéficiaire un délai de réflexion de quinze jours (15 jours), à compter de la signature du présent contrat. Au cours de ce délai, le bénéficiaire peut se rétracter sans aucune condition ou justification« .

Sachez aussi que ce délai ne court qu’à partir de la double signature du contrat par les 2 parties conformément aux réponses écrites du ministère du tourisme sus-indiquées.

On peut s’attarder beaucoup sur cette loi mais on reste persuadé que la nature du droit qu’elle véhicule n’est pas réellement un droit réel. Si on continue à le penser, des problèmes épineux surgiront dans la pratique qui rendront la protection compromise et incertaine.

Alors, si vous êtes appelés à acheter, un conseil:

Exiger:

1- Que le contrat soit signé par les 2 parties.

2- Le règlement intérieur de l’unité d’hébergement.

3- – Le plan descriptif des composantes de l’unité et de ses locaux et ses espaces collectifs.

4- – Le plan architectural de l’appartement et de son emplacement au sein de l’unité.

5- – La liste de l’ensemble du matériel et des équipements se trouvant dans l’appartement.

6- – Le calendrier des semaines d’hébergement.

7- Vérifiez ou demandez à vérifier par vous-même dans les 15 jours qui vous sont impartis, les points 4, 5 et 6.

8- Faites inscrire le contrat au registre foncier

9- Négociez le point mentionné à l’article 3 qui met à votre charge le droit d’enregistrement du dit contrat (Le bénéficiaire est tenu d’enregistrer le présent contrat et se charge des frais y afférents).

10- Ne signez aucun autre document.

11- N’hésitez jamais à faire valoir votre droit en cas de manquement par la société à ses obligations.


[1] – Généralement, au 1er contact, la majorité des tunisiens ont voulu faire des réajustements à l’appartement (c’est un tic chez nous) pour marquer leur territoire croyant que c’est leur bien.

[2] – Certaines estimations situent le chiffre d’affaire de ce secteur 2 fois (ou plus) de celui du secteur touristique classique des les années à venir.

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Un Juriste qui ne sait pas Zapper est un mauvais juriste

Depuis des années, les spécialistes s’inquiètent de la dégradation de la qualité des lois. Rédaction médiocre ou absence de normativité sont les deux reproches et les deux sources d’inquiétude. Il suffit de suivre le débat, encore d’actualité en France, au niveau du Conseil Constitutionnel et le parlement (Assemblée Nationale et Sénat) pour mesurer l’ampleur des dégâts.

En Tunisie, on n’échappe pas à la règle. Le phénomène nous touche mais les manifestations de crainte à propos de ce sujet ne se font pas annoncées. Nos théoriciens[1] de droit ont la tête ailleurs. Ce n’est pas encore leur souci. Nos docteurs en Droit de cette époque s’intéressent plus à être nommés Doyens ou ministres[2] s’ils n’ont pas déjà abandonné l’encadrement et la recherche pour s’occuper de leurs cabinets d’affaire et s’assurer un rang social honorable.

D’ailleurs, ces docteurs sont infectés de la paresse d’écriture juridique puisque leurs écrits en matière juridique se font rares depuis des temples à part quelques articles disparates parus depuis l’ancien âge dans quelques revues.

Qui pourrait aujourd’hui nier la pauvreté de notre bibliothèque juridique qui souffre depuis des décennies de la qualité même si elle a progressé au niveau de la quantité.

Pire encore, certains docteurs se sont reconvertis dans les écris politiques ou les droits de l’homme, matière que (presque) tout le peuple a traité. Il faut avouer que ces écrits sont plus faciles et plus rentables, sans s’attarder à ce qu’ils peuvent être un tremplin pour gagner des échelons.

Les Capables s’étant démissionnés, le champ été laissé libre aux parasites et aux juristes de niveau moyen pour envahir la scène avec des écrits néfastes pour la culture juridique.

Et ce n’est pas tout. Le journalisme de piètre qualité s’étant installé, on n’a pas trouvé mieux que le droit pour y élire domicile. Incapables de nous gratifier par des articles percutants analysant les évènements sur la scène nationale et internationale, des journalistes et autres rescapés d’autres spécialités se sont dirigés vers le droit pour nous émerveiller par des récits qui ne valent même pas ceux des fais divers.

Dernier exemple (et ça ne sera pas le dernier), ce que j’ai entendu hier soir sur une chaine privé tunisienne dans une émission réservée au crash de l’avion tuninter. En effet, étaient présents sur le plateau, l’animateur, un Pilote à la retraite, un avocat enseignant à la faculté de droit et un journaliste du Journal Essabah. Durant presque une heure, c’est ce dernier qui a parlé juridique, technique et social ne laissant point de temps ou d’occasion aux autres pour s’exprimer. Orateur déprimant, il nous a encore déprimé avec des analyses sur le fondement de l’instruction et la portée du jugement.

Aujourd’hui, après avoir remercié Dieu d’être encore vivant, je me suis rendu compte qu’en fait, je suis un très mauvais juriste car je n’ai pas su user de mes droits les plus absolus: Le droit de ZAPPER.


[1] – C’est trop dit quand même!

[2] – Certains Docteurs occupent des postes ministériels (Enseignement supérieur, Justice, Fonction publique, éducation…); d’autres sont membres du Conseil Constitutionnel mais aucun n’est au Parlement (Chambre des Députés ou Chambre des Conseillers) à la différence des Docteurs en Lettres et autres disciplines.

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Bas les masques!!!

Des fichiers informatisés aux empreintes digitales passant par les ressources ADN des personnes aux caméras qui surveillent tous les gestes des êtres humains, l’instrument juridique continue à servir pour anéantir toute échappatoire de la personne à l’emprise des systèmes sécuritaires des Etats.

Rien n’est laissé au hasard; on dirait qu’on est en plein film des sciences fictions des années 3025 où le citoyen est guetté par un arsenal de robots et machines garantissant l’ordre et le système.

Après les Caméras de Londres, les écoutes téléphoniques des Etats-Unis voila la France, pays de Culture sociale par excellence, invente le système bas les masques.

Cette fois-ci, c’est un décret qui rend la dissimulation du visage à l’occasion de manifestations une infraction. Il s’agit d’un décret du 19 juin 2009 relatif à l’incrimination de dissimulation illicite du visage à l’occasion de manifestations sur la voie publique[1].

Désormais, le fait pour une personne, au sein ou aux abords immédiats d’une manifestation sur la voie publique, de dissimuler volontairement son visage afin de ne pas être identifiée dans des circonstances faisant craindre des atteintes à l’ordre public est puni d’une amende[2].

La seule exception envisagée, c’est lorsque la dissimulation du visage est justifiée par un motif légitime. Comme par exemple craindre l’allergie aux bombes lacrymogène. Mais dans ce cas, nous pensons que la personne en question doit se diriger dardar vers le 1er poste de police pour de s’auto dénoncer justifiant de sa bonne volonté pour coopérer avec la sécurité et prouver qu’il est un bon citoyen.

Si des manifestants mettent un masque lors des manifestations c’est pour ne pas être fichié par les services policiers et identifié comme un fouteur de troubles ce qui peut lui valoir d’être une éventuelle cible d’accusation même fantaisistes. Les américains nous enseignent assez sur la question et leurs méthodes sur ce plan font une bonne école.

Il est évident que certains vrais fouteurs du trouble se glissent parfois dans des manifestations pour de nobles causes et engendrent des dégâts aux biens et aux personnes. Mais c’est au service d’ordre de ces manifestations et à la police qui y veille de faire un bon travail de prévention. Mettre une cagoule dans un stade, par exemple, ne peut eu aucun cas, hisser son auteur à un militant de 1er ordre.

Dans notre arsenal d’adages, sages et pertinents, on dit que le rare doit être classé et non retenu[3]. Il ne doit pas faire jurisprudence. Désormais, ce rare, minoritaire par définition, est devenu un tremplin pour légiférer à long terme et à une grande échelle. «La justice est souvent le masque du courroux» disait Jean de Rotrou.


[1] – Paru au Journal officiel du 20 juin

[2] – Sur la base de l’article R. 645-14 du Code pénal. La récidive, quant à elle, est réprimée conformément aux articles 132-11 et 132-15 du code pénal français.

[3] – الشاذ يحفظ ولا يقاس عليه

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