Vers un retour au "Procureur général de la république"?

Le sénateur français, Mr M. Pierre FAUCHON, a déposé le 24/6/2009 au Senat une proposition de loi relative à l’action publique en matière pénale et tendant à créer un procureur général de la République.

Dans son exposé des motifs de cette proposition, il explique que partant de:

« La mise en place par le gouvernement d’un comité de réflexion sur la rénovation des codes pénal et de procédure pénale, dont les conclusions pourront servir de base à une prochaine réforme du droit pénal et de la procédure pénal».

Que «Parmi les évolutions annoncées figure la suppression éventuelle du juge d’instruction dans sa forme actuelle, qui pourrait être remplacé par un juge arbitre de la procédure, que préfigure déjà le juge des libertés et de la détention».

Que «Cette réforme suscite des inquiétudes, fondées en particulier sur l’insuffisante indépendance des magistrats du parquet, qui deviendraient désormais responsables de l’ensemble des enquêtes pénales».

Que « De fait, le parquet est actuellement hiérarchisé et soumis à l’autorité du garde des sceaux, ministre de la justice, ce qui peut, dans quelques cas – peu nombreux mais très sensibles -, susciter le soupçon d’interventions illégitimes».

Que «Il y a dix ans déjà, le Sénat avait proposé une réponse à cette inquiétude en préconisant, à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à l’action publique en matière pénale présenté par le Gouvernement de M. Lionel Jospin, la création d’un procureur général de la République, dont les conditions de nomination et d’exercice des fonctions garantiraient l’indépendance».

De ce fait, «Tandis que le ministre de la justice continuerait à définir les orientations générales de la politique pénale …, le Procureur général de la République veillerait à la cohérence de l’exercice de l’action publique et coordonnerait l’action des procureurs généraux près les cours d’appel».

»La présente proposition de loi tend donc à créer un procureur général de la République en charge de la cohérence de l’exercice de l’action publique et du respect des orientations générales définies par le ministre de la justice».

Le texte de la loi proposée est ainsi (sommairement) rédigé:

«Art. 30. – Le ministre de la justice définit les orientations générales de la politique pénale. Il les adresse aux magistrats du ministère public pour application et aux magistrats du siège pour information.

Le ministre de la justice peut dénoncer aux procureurs généraux près les cours d’appel les infractions visées au titres Ier et II du livre IV du code pénal dont il a connaissance et leur enjoindre, par des instructions écrites qui sont versées au dossier, d’engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente des réquisitions écrites qu’il juge opportunes. Les instructions du ministre sont motivées, sous réserve des exigences propres au secret de la défense nationale, des affaires étrangères et de la sûreté intérieure ou extérieure de l’Etat.

Sous réserve des dispositions de l’alinéa précédent, il ne peut donner aucune instruction dans les affaires individuelles.

Article 2

Du procureur général de la République

Art. 30-2. – Le procureur général de la République veille à la cohérence de l’exercice de l’action publique et au respect des orientations générales de la politique pénale définies par le ministre de la justice. Il coordonne l’action des procureurs généraux près les cours d’appel et l’application par ceux-ci de ces orientations.

Art. 30-3. – Le procureur général de la République peut dénoncer aux procureurs généraux près les cours d’appel les infractions autres que celles visées aux titres Ier et II du livre IV du code pénal dont il a connaissance et leur enjoindre, par des instructions écrites et motivées qui sont versées au dossier, d’engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente des réquisitions écrites qu’il juge opportunes.

Art. 30-4. – Le procureur général de la République adresse chaque année au Président de la République et au ministre de la justice un rapport sur son activité.

Art. 30-5. – Le procureur général de la République est nommé par le Président de la République sur une liste de trois personnalités proposées par le Conseil supérieur de la magistrature, réuni en formation plénière. Son mandat, d’une durée de cinq ans, n’est pas renouvelable. En cas d’empêchement ou de manquement grave aux obligations de sa charge, le Président de la République met fin à ses fonctions sur décision du Conseil supérieur de la magistrature saisi par le ministre de la justice et statuant en formation plénière à la majorité absolue de ses membres. ».

Il faut noter que le ministre de la justice reste quand même un donneur d’ordre avec la mention que ses instructions doivent être écrites et motivées et ne touchent pas aux affaires individuelles.

Le procureur général est un coordinateur mais aussi un procureur dont la nomination est entourée de certaines garanties.

En Tunisie, cette institution a connu une histoire dramatique entre création et suppression.

Créée une 1ère fois par la loi 111 du 8/11/1958, elle a été supprimée par la loi n° 72 du 3/12/1980. Récrée par le décret-loi 86-1 du 18 Aout 1986 (ratifié par la loi 86-98 du 9/12/1986) elle a été abrogée une autre fois par la loi 87-80 du 29/12/1987.

Le mois de décembre ne lui porte pas de chance apparemment.

La dernière loi abrogeant cette fonction a justifié la suppression par le fait qu’elle encombre le travail du ministère public vu que les avocats généraux auprès des Cours d’appel et les procureurs de la république doivent s’y référer pour prendre une décision ce qui le met comme un obstacle empêchant une relation directe entre ces procureurs et le ministre de la justice.

Ainsi, le travail du ministère public est en quelque sorte décentralisé par le fait que c’est l’avocat général auprès de chaque Cour d’appel qui coordonnera l’action du ministère public de toute la circonscription.

Créée 2 fois, supprimée autant, on se demande si Jamais 2 sans 3?

La décision de supprimer cette fonction été une décision politique comme celle qui l’a réinstallé en 1986. On ne doit pas passer sous silence le commentaire du député Mustapha filali au cours de la séance plénière du 25/12/1987[1] qui a remarqué que «le projet en question est une décision politique emballée dans des considérations procédurales qui n’auraient pas dû échapper au législateur qui a adopté une loi contraire[2] à ce qu’il adopte aujourd’hui…espérant que ça sera la dernière fois…car il faut les temps changent mais le législateur reste le même».

Il est évident que prévoir un tel retour à une telle fonction en Tunisie ressort du l’impossible pour milles raisons.

Il faut avouer quand même que même la proposition de loi du Sénateur ne change pas grand chose à l’état de la situation actuelle et ne fait qu’encombrer les institutions judiciaires déjà encombrées.

La question qu’il faut en tirer de cette initiative est comment doit être l’après "juge d’instruction" si on arrive à décider de sa suppression?

Je me demande si la Tunisie suivra les pas de nos amis français par la suppression de cette fonction aussi car personne ne nie aujourd’hui qu’en Tunisie ou en France, ce juge est un superman.


[1] – Journal officiel des débats de la chambre des députés, n°18, du 25/12/1987, page 959.

[2] – se réfère à la loi 98 du 9/12/1986.

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